MÉMORANDUM RELATIF AU CHRONOGRAMME DE LA TRANSITION À LA HAUTE ATTENTION DE SON EXCELLENCE COLONEL MAMADY DOUMBOUYA, PRESIDENT DE LA TRANSITION, CHEF DE L’ETAT, CHEF SUPREME DES ARMEES 

Introduction 

Au lendemain du 05 septembre 2021, le CNRD a initié plusieurs actions qui ont conduit à la mise en place du gouvernement, à l’installation du Conseil National de la Transition (CNT), à l’organisation des Assises Nationales et à l’institutionnalisation du cadre de dialogue inclusif inter-guinéen.A ce titre, quarante organisations issues des coalitions politiques et des faitières de la société civile ont été invitées, par le gouvernement, à participer à ce dialogue devant définir les contours de la transition. Par patriotisme, trente-sept (37) organisations ont accepté d’accompagner le CNRD et le gouvernement pour une transition apaisée et réussie.À l’issue de ce dialogue, trente-cinq (35) Résolutions ont été adoptées par l’ensemble des participants. Une cérémonie officielle de remise au Président de la transition fut organisée le 21 décembre 2022. C’est ainsi que le président de la transition a pris un décret pour créer le comité national permanent de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre des Résolutions issues du cadre de dialogue inclusif inter-guinéen, le secrétariat technique et la commission de vulgarisation.En mars 2023, ces différentes entités sont entrées en action pour la mise en œuvre des Résolutions dudit cadre.

Constats

En dépit des multiples efforts fournis par l’ensemble des parties prenantes, les signataires du présent mémorandum constatent :

  • Le manque de visibilité dans la conduite générale de la transition;
  • Le manque de concertation périodique entre le CNRD, le gouvernement, les leaders des coalitions politiques et les faitières de la société civile qui ont pris part au cadre de dialogue inclusif inter-guinéen;
  • Le retard dans le démarrage du Programme de Recensement Administratif à Vocation d’Etat Civil (RAVEC) ;
  • Le coût injustifié pour la mise en œuvre des 10 étapes de la Transition qui pourrait être un facteur de blocage pour le déroulement normal des activités en vue du retour à l’ordre constitutionnel.

Au regard des constats susmentionnés et dans le souci d’éviter à notre pays d’éventuelles tensions dues au non-respect du calendrier défini pour le retour à l’ordre constitutionnel, nous leaders signataires de ce mémorandum avons jugé nécessaire de nous mettre ensemble pour impulser une dynamique de réflexions et de propositions de solutions pour une meilleure finalisation de la Transition.

C’est à ce titre que le 14 juillet 2023, une rencontre à la demande des présidents des coalitions politiques, a eu lieu avec le Ministre de l’Administration du Territoire et la Décentralisation (MATD). Il convient de rappeler que le MATD avait promis une telle rencontre qui ne s’est pas tenue longtemps après la réunion de l’Hôtel Kaloum, le 20 avril 2023. 

Au cours de cette rencontre, le Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation a distribué un document récapitulatif des coûts estimatifs totalisant près de six mille milliards de Francs Guinéens (Six cent millions de dollars USD) pour la mise en œuvre des dix (10) points du chronogramme pour le retour à l’ordre constitutionnel conformément à l’accord-cadre conclu entre la Guinée et la CEDEAO. En outre, cette entente stipule que la durée de la transition est fixée à 24 mois, à compter du 1er janvier 2023, pour mettre en œuvre ces étapes.

Au cours de son introduction préliminaire, le Ministre Mory CONDÉ a indiqué que le gouvernement a mobilisé, sur le budget national, cinq cent cinquante milliards (550.000.000.000) de Francs Guinéens pour 2023. Il a ainsi souligné que le financement du quatrième Recensement Général de la Population et de l’Habitation (RGPH4) est bouclé. Toutefois, un gap de financement de l’ordre de deux milles milliards (2.000.000.000.000) de Francs Guinéens (200 millions USD) reste à combler pour l’année 2023. Ce montant est destiné au financement du Recensement Administratif à Vocation d’Etat Civil (RAVEC) et à l’établissement du fichier électoral. Ces deux étapes sont pourtant essentielles pour envisager, avec assurance, la bonne fin des processus électoraux. Par ailleurs, le coût estimé des travaux législatifs est de l’ordre de mille deux cent milliards (1.200.000.000.000) de Francs Guinéens. Il s’agit principalement de l’élaboration et de la vulgarisation de la nouvelle Constitution, de l’organisation du scrutin référendaire et de l’élaboration des textes de lois organiques. Enfin, l’organisation des scrutins électoraux des communes, des législatives et de la présidentielle requiert un financement de l’ordre de mille cinq cent milliards (1.500.000.000.000) de Francs Guinéens au moins.

Par ailleurs, une autre rencontre entre les leaders politiques et faîtières de la société civile, tenue le 05 août 2023 à l’Hôtel Kaloum, a permis de faire l’analyse sommaire de ce document, soulevant bien entendu maintes interrogations qui méritent d’être éclaircies afin de fonder sa fiabilité, sa cohérence. Cet exercice est nécessaire afin d’évaluer avec plus de réalisme et de transparence les besoins de financement incompressibles pour parvenir au retour à l’ordre constitutionnel dans les délais établis contractuellement. Le gouvernement argue que lors de la signature de « l’accord dynamique entre la Guinée et la CEDEAO », l’Organisation régionale avait promis de mobiliser la communauté internationale afin d’obtenir l’accompagnement financier sollicité par la Guinée pour la mise en œuvre des 10 points du chronogramme. A ce jour, selon les autorités gouvernementales, la réaction de la communauté internationale tarde à se manifester pour l’apport des fonds additionnels pour le bouclage du budget proposé. Ainsi, il est impérieux de trouver des pistes de solutions alternatives afin que la faible réactivité de la communauté internationale ne puisse impacter dangereusement l’évolution de la Transition guinéenne.

Cette situation préoccupante nécessite d’ores et déjà la mise en place d’une commission ad-hoc en relation avec le gouvernement. Cette commission devra être dotée de la compétence, de la rigueur, et de la volonté politique de prospecter de nouvelles pistes susceptibles de pouvoir collecter le montant permettant le financement du processus devant aboutir aux élections à la date indiquée. Cette démarche prospective et constructive est urgente pour permettre d’assumer notre responsabilité vis-à-vis des intérêts de notre peuple et de notre pays.

Par ailleurs, nous avons constaté que le Gouvernement a émis deux hypothèses de travail pour envisager l’augmentation du nombre de députés dans la future assemblée :

À cet égard, il faut rappeler que les résultats consolidés du RGPH4 permettant une connaissance précise des données démographiques et de peuplement de notre pays ne seront disponibles qu’au milieu de l’année 2025. Ceci exclut d’avance la possibilité de leur exploitation dans le cadre du redécoupage des circonscriptions électorales actuelles pour servir au cours de l’année 2024, l’organisation des élections législatives de la Transition. En plus, l’augmentation de manière pléthorique des membres de l’assemblée nationale sera jugée négativement par la communauté nationale en raison de l’alourdissement de la charge budgétaire pour notre pays que cela génère dans un contexte où la population est confrontée aux difficultés quotidiennes de subsistance. De même, la restructuration de l’organisation territoriale devra se faire en prenant en compte des paramètres objectifs, rationnels et dénués de tous calculs partisans.

En conséquence, la réorganisation du découpage administratif du territoire pourra être un des chantiers futurs de l’après-transition. Les élections qui doivent venir ne devraient prendre en compte que les 33 Préfectures et les 6 Communes de Conakry.

Par ailleurs, les hypothèses envisagées pour le scrutin présidentiel quant à elles, concernent la participation de nos ressortissants résidents à l’étranger. Il faut souligner que cette importante fraction de la communauté nationale a été dans le passé victime d’ostracisme et de marginalisation. Les autorités de la Transition du CNRD ont montré une réelle volonté politique afin de la faire participer et d’accroître son implication dans les politiques publiques. Cette démarche de rassemblement et d’équité devra également être de mise pour la pleine jouissance de droit de vote aux ressortissants guinéens vivant à l’étranger. Par conséquent, les autorités gouvernementales doivent intégrer la diaspora guinéenne sans restriction aux processus électoraux, car le vote n’est pas un privilège mais un droit pour tous les citoyens de la République de Guinée.

En guise de conclusion, nous sollicitons de la part des autorités de notre pays de prendre en compte l’urgence et l’importance d’organiser la concertation avec les présidents des coalitions politiques et des faîtières de la société civile afin de frayer la voie nous permettant d’apporter des solutions réalistes et constructives pour une Transition concertée et apaisée. En effet, le rassemblement autour des priorités nationales nous permettra collectivement de donner une chance de réussite à la Transition.

Le monde nous regarde et jauge notre capacité collective à avoir le sursaut patriotique indispensable pour construire la paix, la stabilité et la démocratie dans notre pays. En allant dans ce sens, nous aurons le respect et la considération de l’opinion nationale et internationale. Ce n’est qu’alors que la communauté internationale se mobilisera effectivement pour apporter à la Guinée les concours techniques et financiers nécessaires. Nous renouvelons notre confiance au Président de la Transition et au CNRD pour leur engagement ferme quant au respect du chronogramme de la transition pour l’avoir, à maintes reprises, réaffirmées.

En vous remerciant de votre bienveillante attention, nous vous prions d’agréer, Excellence Monsieur le Président de la Transition, Chef de l’État, Chef Suprême des Armées, l’expression de notre très haute considération.

Conakry, le 16 août 2023

La Conférence des Coalitions Politiques et Faitières (CCPF