Ce débat sur l’analyse des résultats de l’examen du Baccalauréat session 2024 à relents ethnico- politiques et régionalistes est une prétention délibéré à vouloir ramer à contre- courant des valeurs et principes qui fondent l’école de la République qui est laïque et apolitique. La fraude n’a pas d’ethnie, de religion ni de parti politique. Les admis au Baccalauréat dans une préfecture ne sont pas forcément d’une communauté au regard du cosmopolitisme de nos villes et plus spécifiquement les villes commerciales, industrielles et minières. Toutes les communautés ethniques de notre pays s’y trouvent.

En portant des lunettes objectives pour observer, analyser et interpréter la cartographie de la fraude des élèves et celle systémique en Guinée , plusieurs hypothèses se présentent.

PREMIÈRE HYPOTHÈSE : cette cartographie de la fraude est dynamique, c’est-à-dire elle varie d’une préfecture à une autre, d’une commune à une autre , d’un centre d’examens à un autre ou d’une salle d’examens à une autre.
Par exemple, en 2017 , plusieurs lauréats venaient d’un seul centre d’examens voire d’une même salle de classe dans une ecole privée à Conakry dans la commune de Ratoma.
Ensuite , au niveau de la Direction communale de l’éducation de Dixinn la plus petite d’ailleurs , tous les candidats d’un profil ou d’une option d’une ou des écoles privées et publiques se retrouvent chaque fois dans un même centre d’examens voire dans les mêmes salles de classes. Et si l’effectif total d’une option peut être installé dans un seul centre, alors peu importe l’école d’origine des candidats. On ne peut pas éparpiller un petit effectif dans trois à quatre centres au moment où un seul centre a la capacité de les accueillir. C’est souvent le cas dans la commune de Dixinn.
Enfin , il y’a des petites préfectures où les trois options ( Sciences Expérimentales, Sciences Mathématiques et Sciences Sociales ) se trouvent dans un même centre d’examens. Ce sont les cas de Yomou , Tougué, Koubia etc.

DEUXIÈME HYPOTHÈSE : elle a une périodicité très variable ; c’est-à-dire elle change de zone d’une session à une autre. Pendant une année , on peut parler de Siguiri, Kankan, Kamsar , et pendant une autre année on parlera de Seredou, Gueckedou, Lola etc. Et cela pourrait s’expliquer par la légèreté des surveillants, le laxisme de la supervision et la complicité des autorités éducatives locales.

TROISIÈME HYPOTHÈSE : elle pourrait être conjoncturelle, c’est-à-dire le désir de vouloir faire comme les autres pour avoir de bons résultats surtout lorsqu’on pense que ce sont les taux élevés d’admis dans une localité donnée qui déterminent la qualité des enseignements et des apprentissages et la performance des élèves et par ricochet d’un DCE/DPE.
QUATRIÈME HYPOTHÈSE : la fraude pourrait être sociologique, structurelle et systémique avec à la clé l’implication directe de la communauté , des parents d’élèves, des enseignants et des autorités éducatives qui mettent tous les moyens financiers et matériels à contribution pour avoir un taux elevé de réussite aux examens nationaux. Certains superviseurs ont été menacés de mort par endroit pour avoir refusé de succomber aux tentations d’achat de conscience.

CINQUIÈME HYPOTHÈSE : la fraude pourrait être liée à l’encombrement ou à l’enclavement d’un ou des centres d’examens. Lorsqu’un centre d’examens se trouve dans un quartier à forte densité démographique ou difficile d’accès , il est souvent exposé aux facteurs de risque de fraudes massives.

SIXIÈME HYPOTHÈSE : l’achat de consciences des acteurs sur toute la chaîne de préparation , de passation des épreuves et de proclamation des résultats des examens nationaux. La manipulation des notes, des moyennes, des mentions et des rangs est visible et de façon flagrante .

SEPTIÈME HYPOTHÈSE : l’instrumentalisation des résultats pour des fins électoralistes à la veille des élections nationales. On encourage la fuite de sujets, la légèreté dans la surveillance et la correction des copies et enfin de compte on manipule les résultats avec à la clé des taux de réussite soviétiques pour charmer les élèves qui ont l’âge de voter et leurs parents.

Bref, en ce qui concerne la situation de Siguiri, il va falloir l’examiner avec une finesse d’esprit. J’ai fait l’examen du Baccalauréat deuxième partie dans cette ville au lycée Kankou Moussa. Ensuite j’y ai été trois fois en 2023 dans le cadre de la supervision des opérations de paie des enseignants contractuels communaux et des examens nationaux . C’est une préfecture qui a un nombre très élevé d’écoles privées qui se trouvent même dans les districts telles que Balato, Boukharia et Fatoyah dans la sous – préfecture de Kintinian pour ne citer que ceux-là parmi les dizaines de districts où on trouve même des lycée collèges publics qui présentent des candidats au Baccalauréat. C’est le cas du district de Boukharia.
Il est important de porter des lunettes objectives avant tout jugement de valeur sur les résultats de telle ou telle préfecture.
À l’examen du Baccalauréat session 2023 , c’était la préfecture de Lola qui était à l’honneur précisément le centre Lycée Lola où se trouvaient les candidats des sciences expérimentales . Il y’a eu dans ce seul centre 173 candidats admis sur 174 dont un seul a echoué. Par la suite c’était le centre Morifindjan Diabaté de Kankan avec beaucoup de lauréats . Et bien avant ces cas , la sous- préfecture de Seredou battait le record en termes de taux de réussite au Baccalauréat etc .
Loin de moi toute prétention à vouloir défendre l’indéfendable ou nier l’évidence mais c’est une façon de faire comprendre aux uns et aux autres que la fraude n’a pas de couleurs ethniques, religieuses et politiques mais elle est le fruit de l’inconscience professionnelle .
Enfin la lutte contre la fraude aux examens nationaux ressemble aux luttes contre l’insécurité, la drogue et le terrorisme . Elle n’est jamais gagnée d’avance pour la raison bien simple que les fraudeurs changent toujours de méthodes en fonction des nouvelles dispositions anti fraudes. Une sorte de guerre asymétrique avec des moyens n’on conventionnels . C’est le cas aussi chez les terroristes et les trafiquants de drogue. Il y aussi des quartiers dans les grandes démocraties où les gangs règnent en maîtres absolus et les unîtes de police et de gendarmerie , malgré les équipements sophistiqués qu’elles possèdent n’arrivent pas à y avoir accès à plus forte raison éradiquer l’insécurité dans ces quartiers.
Pour le cas spécifique des examens nationaux , il faut procéder à l’audit de toutes les copies pour situer la responsabilité dans la commission des anti valeurs et des pratiques déviantes qui ternissent l’image du système éducatif guinéen et punir les auteurs et leurs complices. L’impunité encourage la récidive.

Par Michel pépé Balamou