Le président Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2003, a été réélu à la tête de la Turquie, dimanche, avec 52,2 % des voix. Malgré une profonde crise économique, rien ne semble affecter le réis, qui semble bien décidé à accentuer encore davantage les fractures de la société.
Indétrônable. Après 20 ans passés à la tête du pays, Recep Tayyip Erdogan a été reconduit pour cinq années supplémentaires, dimanche 28 mai, avec 52,1 % des suffrages contre 47,9 % pour son rival Kemal Kilicdaroglu. Ce scrutin, considéré comme le plus important de l’histoire moderne du pays, offre le visage d’une Turquie plus divisée que jamais.
« C’est l’expression de ce qu’on avait constaté pendant la campagne électorale : deux blocs politiques, deux projets de société qui s’affrontent sur toutes les questions, analyse Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), spécialiste de la Turquie. C’est aussi la victoire incontestable d’Erdogan. Depuis des années, il a polarisé la société turque parce qu’il a compris qu’en surfant sur la majorité conservatrice, il atteindrait des victoires électorales. C’est sa quinzième. »
Lors de son discours de victoire, le réis s’est néanmoins voulu rassembleur et rassurant. « Nous devons nous rassembler dans l’unité et la solidarité », a déclaré Recep Tayyip Erdogan devant une marée humaine agitant des drapeaux turcs, devant le palais présidentiel de Bestepe à Ankara. Un lieu loin d’être anodin. « C’est assez surprenant qu’il prenne la parole au Palais présidentiel à Ankara, et pas comme il en a l’habitude sur le balcon du QG de son parti l’AKP. C’est un signal pour dire qu’il fête sa victoire dans la capitale non pas comme un chef de parti, mais comme le président de tous les Turcs », souligne Ludovic de Foucault, correspondant de France 24 en Turquie.
Économie exsangue, appauvrissement incontestable de la population turque ces dernières années, inflation galopante, gestion critiquée des séismes du 6 février… un boulevard semblait offert à l’opposition mais rien n’y a fait. Le lien entre le réis et ses partisans semble indéfectible. « Il y a un socle électoral extrêmement fort qui votera pour lui quoi qu’il arrive, surtout au niveau de l’Anatolie centrale avec des populations beaucoup plus conservatrices et rurales, rappelle Ludovic de Foucault. Elles ressentent peut-être moins la crise économique que les populations plus urbaines, plus jeunes et plus diplômées ».
Pour Didier Billion, c’est aussi le signe que le président sortant est perçu comme « l’homme providentiel » pour nombre de Turcs. « Erdogan apparaît comme un homme d’État qui a su faire respecter la Turquie sur le champ international. Et c’est une réalité. C’est un homme important dans l’hypothétique résolution de la guerre russo-ukrainienne, un homme qui au Moyen-Orient a rétabli des liens amicaux et fluides avec nombre de pays comme l’Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis ».

Avec France24