L’opposant numéro 1 du pays, le fondateur du parti dissous Pastef, Ousmane Sonko, et son fidèle lieutenant et candidat à la présidentielle du 24 mars, Bassirou Diomaye Faye, ont quitté la prison de Cap Manuel ce jeudi soir.

Dix jours avant la présidentielle, les deux opposants Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye sont libres. Un peu avant minuit, ils ont quitté la prison de Cap Manuel à bord d’un véhicule aux vitres teintées peu avant minuit, décrit notre correspondante à Dakar, Léa-Lisa Westerhoff. Malgré le vent et la nuit, une centaine de personnes déjà s’est rassemblée comme Fallora : « En fait, c’est comme le jour où le Sénégal avait remporté la CAN. On est trop content. » Autour du véhicule sortant les opposants, une foule de sympathisants en liesse était présente. Un jeune homme brandissant le drapeau du Sénégal est même monté sur le pare-choc arrière de la voiture pour célébrer cette libération.

En moins d’une heure, la nouvelle de leur libération a transformé la capitale en une gigantesque fête. Dès le départ de la prison, le convoi de dizaines de véhicules a pris la route vers la Cité Keur Gorgui, le quartier de Dakar où habite Ousmane Sonko, créant ainsi un embouteillage géant et une manifestation spontanée. Sur le trajet, des centaines de personnes, bracelets lumineux aux couleurs du Pastef au poignet et drapeau du Sénégal à la main, sont descendus dans les rues et ont acclamé, à coups de klaxon ou en criant de joie, les opposants.

Debout dans une voiture, écharpe aux couleurs du Sénégal autour du cou et les bras en signe de victoire, le candidat à la présidentielle de l’ex-Pastef, Bassirou Diomaye Faye, a sillonné une partie de Dakar à sa sortie de prison accompagné par des milliers de sympathisants, de voitures et de motos qui ont klaxonné jusque tard dans la nuit. Bassirou Diomaye Faye a d’abord fait un crochet par la place de la Nation pour saluer la foule et remercier les militants en wolof.

Des manifestants tiennent une photo du chef de l’opposition sénégalaise Ousmane Sonko alors qu’ils célèbrent la sortie de prison de Sonko et du candidat à la présidentielle Bassirou Diomaye Faye à Dakar, le 15 mars 2024.
Des manifestants tiennent une photo du chef de l’opposition sénégalaise Ousmane Sonko alors qu’ils célèbrent la sortie de prison de Sonko et du candidat à la présidentielle Bassirou Diomaye Faye à Dakar, le 15 mars 2024.

« C’est une victoire pour la justice et le Sénégal »

« C’est une victoire pour la justice et le Sénégal », a confié une jeune femme venue à la hâte de chez elle assister à cette libération. « C’est le leader de la jeunesse », s’est réjoui un Sénégalais. Ces jeunes sont d’ailleurs venus en masse assister à cette libération attendue depuis plusieurs jours déjà, après des mois de répression de l’opposition.

Meryem est venue le plus vite possible de chez elle : « C’est la victoire de la justice, c’est la victoire de la démocratie sur l’injustice, sur l’oppression. Et nous sommes juste venus fêter ça. Cet homme, il ne méritait pas d’être en prison […] C’est quand même un souffle pour la démocratie sénégalaise, un détenu politique qui a duré comme ça en prison. Donc, pour nous, ça peut décrisper en même temps l’ambiance politique au Sénégal. »

Aby Diao, 38 ans, est venue exprimer sa joie de voir l’opposant libéré : « Ousmane Sonko est l’espoir du Sénégal. On attend du changement. Il faut que notre pays se développe comme tous les autres pays. » Ndiogo Diouf, un sympathisant, se réjouit au micro de notre correspondante à Dakar, Théa Ollivier : « Je suis trop content. Ça veut dire que c’est la victoire. En fait, Diomaye, il va gagner les élections et le pays va changer. »

C’est un nouveau Sénégal. On se rend compte que la jeunesse est vraiment consciente des enjeux.

Bassirou Diomaye Faye avait été arrêté en avril 2023 pour outrage à magistrat après un post Facebook. Il a passé près d’un an en prison, Ousmane Sonko, lui, avait été arrêté fin juillet après des accusations d’appels à l’insurrection, entre autres. Ils ont été libérés ce jeudi soir suite à l’adoption par les députés sénégalais de la loi d’amnistie controversée sur les crimes commis pendant les manifestations qui ont eu lieu entre février 2021 et 2024.

Le candidat de l’ex-Pastef libéré une semaine avant la présidentielle
Homme de l’ombre de 44 ans, Bassirou Diomaye Faye a cofondé le parti désormais dissous, le Pastef en 2014 après avoir rencontré Ousmane Sonko à la direction générale des Impôts et des domaines. Ensemble, ils ont d’abord travaillé au sein du syndicat de cette administration publique.

Décrit comme un homme rigoureux et méthodique, Bassirou Diomaye Faye s’est rendu indispensable. Il a été au cœur de l’élection présidentielle de 2019 où Ousmane Sonko est arrivé en troisième position avec près de 16% des voix. Il est considéré comme l’un des cerveaux du parti qui a eu un rôle essentiel dans la rédaction du programme. Candidat dans sa commune près de Mbour pour les élections locales de 2022, il perd face à une candidate de la coalition au pouvoir.

Libéré, il reste pour le moment le candidat de l’ex-Pastef alors qu’il ne reste que sept jours de campagne avant le scrutin. Mais Matar Diaga Seck, président d’un mouvement de soutien à Ousmane Sonko, n’est pas inquiet pour la suite : « Sans lui, on était en train de faire les caravanes. Quand on nous parlait de sa sortie, on était en caravane, on sillonnait le pays, donc on est revenu pour l’accueillir. Et demain, on ira encore en caravane. »

Une conférence de presse de Bassirou Diomaye Faye doit avoir lieu dans la journée. Tandis qu’une décision de la Cour suprême sur le recours du PDS de Karim Wade concernant l’illégalité du décret présidentiel qui fixe la date du scrutin au 24 mars doit avoir lieu aujourd’hui.

 

AFP