.Nier qu’il y a une crise sans précédent au sein du Parti de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) est une erreur monumentale.Le silence ou le déni face à l’évidence ne fait qu’aggraver la situation d’un Parti longtemps perçu comme le principal bastion de l’opposition guinéenne. L’UFDG, depuis sa création, n’a jamais traversé une période aussi trouble, aussi marquée par des tensions internes, des fractures idéologiques et des conflits de leadership que celle qu’elle vit actuellement. Cette crise n’est ni anodine, ni superficielle. Elle touche les fondements mêmes de la stabilité et de la cohésion du parti.
Tout est parti d’une décision controversée : l’exclusion jugée illégale et illégitime de Monsieur Ousmane Gaoual Diallo, ancien directeur de la cellule de communication du parti. Cette exclusion, loin d’être un simple acte administratif, a été perçue comme une purge politique visant à museler une voix discordante dans un parti qui, paradoxalement, se réclame de la démocratie et de la pluralité d’opinions. Cette décision a non seulement semé le trouble parmi les militants, mais elle a aussi mis à nu les dysfonctionnements profonds dans le mode de gouvernance du parti.
Aujourd’hui, beaucoup s’accordent à dire que le président de l’UFDG, Mamadou Cellou Dalein Diallo, ne semble pas prêt à suivre l’exemple de ses prédécesseurs, notamment celui de Feu Bah Mamadou, leader historique et homme de compromis, qui avait su, en son temps, apaiser les tensions et rassembler autour de l’idéal commun. Pire encore, la figure emblématique de Bah Oury, cofondateur du parti, autrefois considéré comme le potentiel sauveur de l’UFDG, n’incarne plus cette espérance collective. Il a été lui-même écarté à l’issue de querelles intestines, preuve que le parti a progressivement perdu sa capacité à gérer les désaccords dans le respect et la concertation.
La véritable question qui se pose désormais est celle-ci : le Parti va-t-il sombrer à cause des intérêts égocentriques et égoïstes de certains de ses cadres ? La réponse est malheureusement inquiétante, car les signes de la dérive sont bien visibles. Tandis qu’une frange importante des militants et des responsables fédéraux appelle à un renouvellement du leadership, une autre refuse catégoriquement cette option, érigeant Cellou Dalein Diallo en figure intouchable, presque divine. Cette posture empêche tout débat constructif et toute possibilité de réforme. Elle renforce la personnification du pouvoir et transforme un parti politique en un mouvement de loyauté aveugle.
Or, un véritable parti démocratique doit être capable d’écouter ses bases, d’accepter la critique et d’ouvrir la voie à l’alternance interne. Les militants qui réclament un changement de direction ne sont pas nécessairement des ennemis du parti ; au contraire, ce sont souvent eux qui incarnent l’espoir d’une UFDG plus moderne, plus inclusive et plus respectueuse des principes qu’il prêche.
Il est donc urgent que l’UFDG se regarde dans le miroir et entame une introspection sincère. Le moment est venu de privilégier l’intérêt général au détriment des ambitions personnelles. Le parti a encore un rôle majeur à jouer sur l’échiquier politique guinéen, mais à condition qu’il sache tourner la page de la gestion clanique et autoritaire. Faute de quoi, l’UFDG sera bientôt plus qu’un souvenir, emporté par la tempête de ses contradictions internes.
Les militants, quant à eux, se retrouvent désorientés, pris entre la fidélité à un idéal politique et le rejet des méthodes autoritaires et opaques. Le risque est grand de voir les rangs se clairsemer, la base se démobiliser, et l’électorat se détourner d’un parti qu’il ne reconnaît plus.
Pour éviter le naufrage, l’UFDG doit impérativement ouvrir un débat interne sérieux, réintégrer les voix mises à l’écart, restaurer la confiance et surtout, revenir à ses principes fondateurs. Il n’est pas trop tard. Mais chaque jour passé dans le déni, chaque exclusion de plus, chaque discours qui divise est une pierre de plus vers la désintégration du parti.
Par Oumar THIAM, juriste et analyste politique.