On ne sait pas encore ce que vaut notre tout nouveau premier ministre mais on peut déjà lui accorder le mérite de la franchise. Sur RFI, il a dit haut et fort ce que les Guinéens murmurent tout bas : il n’y aura pas d’élections en 2O24 et probablement ni en 2025 ni en 2050, ni d’ailleurs après. 

Ce qui confirme ce que tout le monde soupçonnait : La Transition Mamadi Doumbouya est une transition bidon. D’évidence, cet homme n’est pas là pour un moment, il est là pour longtemps, et s’il le pouvait, pour toujours. Tous les signaux qu’il nous envoie depuis son putsch du Septembre 221 le prouvent.

Au lieu de mettre en place le chronogramme des élections (le seul rôle logiquement reconnu à un gouvernement de transition) il baptise des aéroports et s’occupe des questions de fond, des problèmes de long terme, qui reviennent normalement à un gouvernement issu des urnes et disposant de ce fait, et de la légitimité et du temps qu’il faut pour les traiter à bon escient.

Sous le prétexte de ravaler les façades des édifices publics, d’élargir nos routes et nos universités, Mamadi Doumbouya ne fait que ruser pour asseoir et fortifier son abominable dictature. Me viennent à l’esprit trois questions qui auraient dû à mon avis, attirer notre attention à tous, et déclencher la fureur sinon des forces politiques et syndicales, du moins de la société civile.

Pourquoi, selon vous s’est-il bombardé Général d’armée ? Pourquoi depuis un certain temps, ses plus éminents ministres ne le désignent plus que sous le titre ronflant et illégal de « Monsieur le Président de la République » ? Pourquoi près de trois ans après le putsch, la liste du CNRD n’a pas toujours pas été diffusée ? C’est à ce genre de détail que se sont bâties les dictatures les plus féroces du monde moderne. L’Histoire, cela se juge au détail près sinon attention aux négligences qui tuent.

Je ne suis pas un politologue mais j’ai l’impression que si les Guinéens vivent encore aujourd’hui l’enfer qui est le leur, c’est parce qu’ils ont toujours été d’une négligence incroyable avec leurs dirigeants. Aucun autre peuple ne permet ce que nous leur permettons. Et c’est comme ça, d’un régime à l’autre ! Nous sommes en train de reproduire en ce moment toutes les erreurs commises en 2009 : une transition opaque, un CNT sous contrôle, un premier ministre, chef d’un parti politique, donc un premier ministre à la neutralité douteuse.

Mais bon, nous sommes en Guinée, Mamadi Doumbouya sait qu’il peut tout se permettre, personne ne songerait à le taper sur les doigts. Notre peuple est reconnu soumis, fataliste, formaté pour supporter l’insupportable, pour boire la coupe jusqu’à la lie. « Un peuple de mollassons », disait sans rire, ce cynique de Blaise Compaoré !

Qu’ils soient de droite ou de gauche, d’Europe, d’Afrique, D’Amérique Latine, d’Asir ou d’Océanie, tous les tyrans procèdent de la même manière : petit à petit, par paliers, par étapes, par ballons d’essai :

le gouvernement Doumbouya I avait pour rôle d’introduire le chef, de crier son nom, de le faire applaudir sous les oripeaux des beaux slogans, des fausses promesses.

 

– le gouvernement Doumbouya II devait faire lui faire de la place en jetant les opposants à l’exil et ces brebis galeuses du FNDC au gnouf.

 

– le gouvernement Doumbouya III lui, doit terminer le travail, c’est-à-dire offrir à la transition un enterrement de luxe et porter au pinacle ce tout nouveau président-fondateur de notre inénarrable Afrique !

Par anticipation, crions tous : « Longue vie au maréchal Doumbouya ! »

Tierno Monénembo